Aucune aptitude particulière n’est requise pour se promener en eau calme sur une planche à pagaie, sport aquatique mieux connu sous le nom de SUP, ou stand-up paddle. Mais avant de se laisser aller à l’enthousiasme d’une excursion sur le fleuve Saint-Laurent, une initiation peut se révéler bien pratique pour affronter vents et courants. Et, qui sait, aller jouer dans les vagues un jour.
Ce matin-là, nous étions sept inscrits au cours Découverte offert par l’école KSF (Kayak sans frontières) de LaSalle, à quelques coups de pagaie du Parc des rapides de Lachine. Tous des néophytes du SUP, un peu nerveux à l’idée d’aller pagayer dans les courants du fleuve et de frôler la vague à Guy, si populaire auprès des surfeurs.
Car, bien que la planche à pagaie se pratique aussi dans les vagues — il n’y a qu’à penser au surfeur Kai Lenny, qui en SUP surfe les plus hautes vagues au monde —, le SUP attire avant tout des sportifs modérés, contemplatifs, désireux de se balader calmement sur l’eau, en se sentant aussi libres qu’un surfeur, mais sans le petit côté extrême du surf.
« C’est un sport pour tous les âges, facile à pratiquer, plutôt zen, car on se promène sur l’eau, dans la nature, loin des bruits de la ville », explique Pierre-Philippe Loiselle, instructeur à KSF. Un amalgame entre le canot, le kayak et le surf qui permet de découvrir de beaux coins du monde autrement inaccessibles.
Nous étions donc sept ce matin-là, par un temps caniculaire à vouloir goûter à ce sport tripant et à… l’eau du fleuve (misère !), car les plongeons tête première dans l’eau sont inévitables, surtout lorsqu’on nous apprend à sautiller dans tous les sens sur la planche pour tester son équilibre ou qu’on nous enseigne à maîtriser les changements rapides de direction. À vouloir aussi surmonter cette frilosité face aux impétueux rapides de Lachine à l’horizon, qui ont tant fait damner les explorateurs européens au XVIe siècle.
Le fleuve, c’est notre pain quotidien, mais aux yeux de plusieurs, c’est une poubelle. Le dédain du fleuve est ancré solidement dans la mémoire collective. — Hugo Lavictoire
« Sans ces rapides, la ville de Montréal n’existerait sûrement pas », dit Jean-Philippe Loiselle. À moins d’être un spécialiste de la navigation comme le fut, entre autres, le Mohawk de Kahnawake Sawatis Aiontonnis, alias Big John Canadian — une vague porte son nom dans les rapides, la Big John —, on portageait ici. « Cet obstacle faisait du site de Montréal un important lieu d’échange et une halte incontournable. »
Faire des vagues
Un dénivelé de 13 mètres sur une distance de 10 kilomètres crée un courant prodigieux. De quoi faire rêver les passionnés de kayak, de surf et de SUP, qui souhaitent voir Montréal devenir un haut lieu dans le monde pour la pratique de ces sports d’eau.
« Créer d’autres vagues dans le fleuve, c’est mon cheval de bataille depuis des années, explique Hugo Lavictoire, président-fondateur de l’école KSF, inaugurée en 1995. Nous avons un potentiel incroyable et un beau terrain de jeu en milieu urbain. SUP et surf gagnent en popularité. Il y a de longues files d’attente pour surfer les deux vagues connues du fleuve : Habitat 67 et la vague à Guy. Entre LaSalle et le Vieux-Port, on pourrait utiliser une demi-douzaine de sites pour créer des parcs à surf. »
Des idées qu’on pousse depuis des années, mais qui avancent trop lentement selon l’entrepreneur, dont la mission est aussi de sensibiliser la population à la sauvegarde de l’environnement, entre autres l’érosion des berges et la qualité de l’eau du Saint-Laurent.
« Le fleuve, c’est notre pain quotidien, mais aux yeux de plusieurs, c’est une poubelle. Le dédain du fleuve est ancré solidement dans la mémoire collective. »
Quoi qu’il en soit, on nous rassure à l’école KSF quant à la qualité de l’eau. « L’été, elle est testée une fois par semaine par le Réseau de suivi du milieu aquatique », explique notre instructeur. Elle ne serait pas aussi polluée que le veut la croyance populaire. Mais avant d’enfiler son maillot de bain, on peut consulter sur le Web les avis du Programme environnement-plage du gouvernement du Québec.
Le forfait Découverte de KSF commence par un cours théorique sur terre, le temps d’expliquer la morphologie de la planche, les techniques de sécurité, les positions de base et, très important, le maniement de la pagaie. « En plus d’être un outil puissant pour se déplacer en eau calme comme dans le courant, la pagaie offre un large inventaire de manoeuvres sur la planche, comme les appels, les appuis, les débordés, la gîte, les pivots… » explique Pierre-Philippe Loiselle.
La seconde partie du cours, de 90 minutes, s’effectue dans le bassin face à KSF. On accède au bassin par un quai. On s’allonge sur la planche et dès qu’on se sent à l’aise, on passe à la verticale. On dessine des arcs de cercle avec sa pagaie, puis on pivote les jambes fléchies et les abdominaux bien gainés. À droite, à gauche.
À moins de 200 mètres, le reflet des arbres du Parc des rapides chatoie dans le Saint-Laurent. Ce magnifique milieu naturel de 30 hectares, fréquenté par 225 espèces d’oiseaux, 66 espèces de poissons, des amphibiens, des mammifères, des plantes rares et où tortues et couleuvres brunes font leur nid, est un emplacement de choix pour observer les bouillonnants rapides. Et pour imaginer Jacques Cartier et Samuel de Champlain pris de court devant l’ampleur de l’obstacle, réalisant que ce n’est pas le passage pour la Chine…
Puis un camion nous emmène à trois kilomètres plus à l’ouest, où l’on mettra à l’eau les planches pour enfin goûter au courant du fleuve et effleurer la vague à Guy — aussi y boire la tasse, qui, en quelques minutes, nous ramène dans le bassin de l’école, gorgé au max d’adrénaline. C’est fait, nous avons la piqûre !
À L’AGENDA
Le festival MTL SUP Fest se tiendra les 11 et 12 août. Aventure urbaine, en partenariat avec l’école KSF, invite le public à festoyer sur les rives du fleuve et à le découvrir ou redécouvrir par des activités SUP : initiation, yoga, en eau vive, entraînement physique, adapté, polo, en famille… De quoi satisfaire les adeptes de jeux aquatiques, d’aventures douces, les fervents d’adrénaline, les contemplatifs et les amateurs d’histoire entourant ces magnifiques rapides de Lachine.
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