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Photo du rédacteurHélène Clément

Macadam - Le gardien du phare


Le phare de la Place Ville-Marie, l'un des emblèmes de Montréal

Il balaie le ciel de Montréal depuis 47 ans. Il s'allume à la nuit tombante et s'éteint à 1 h du matin. On peut voir ses rayons lumineux à une distance pouvant aller jusqu'à 58 km. Mais à quoi sert-il au juste ?

Le temps est superbe. Pas de brume, pas de smog, pas de vent. On ne pouvait souhaiter mieux comme température pour une petite visite au sommet du premier gratte-ciel de Montréal. «Vous êtes prête à monter sur le toit?», demande André LeCavalier, gestionnaire des installations Édifice à bureaux chez CB Richard Ellis et... «gardien» du gyrophare de la place Ville-Marie.

L'ascenseur arrête sa course au 47e étage de l'immeuble de 188 mètres. Terminus. «Il n'y a pas de garde-fou sur le toit, prévient André LeCavalier. Vous devrez vous attacher à un fil métallique.» On enfile un harnais, puis on grimpe les 17 barres métalliques d'une échelle qui mène à l'extérieur par une ouverture étroite.

Spectaculaire! On aperçoit les Adirondack à l'ouest et les montagnes vertes au sud. Partout des toits en tout genre et des gratte-ciels magnifiques. Tiens, le 1000 de la rue de la Gauchetière, le plus haut de la ville, à 205 mètres. «Ça ne se voit pas, car il est construit un peu en aval de la place Ville-Marie, dit André LeCavalier. Mais il a quatre étages de plus.»

Et le fameux gyrophare dans tout ça! Il est là, perché, côté est du toit. Ses quatre gros yeux ronds nous observent. Il tourne mais n'émet aucun signal lumineux. L'autre soir, sur le belvédère du Mont-Royal, des touristes français essayaient d'estimer sa vitesse de rotation. Trente deux secondes pour un tour complet. «C'est exact, chaque phare met environ huit secondes à parcourir 90 degrés. Si, après huit secondes, le faisceau n'apparaît pas dans le ciel, ça peut vouloir dire qu'une des ampoules est brûlée. C'est une façon de vérifier.»

Le dispositif ne requiert pas du tout la présence d'un gardien. Actionné par un déclencheur automatique, le gyrophare s'allume seul dès la tombée de la nuit et s'éteint à 1h du matin. Qu'arrive-t-il en cas de panne? «Rien du tout». Et les avions alors? «Le gyrophare de la place Ville-Marie ne représente aucune particularité pour l'aviation», souligne Jérôme Caillière, pilote de ligne à Air Canada. En fait, on le remarque à peine, sauf par temps couvert. À ce moment-là, il se reflète dans les nuages et crée une lumière rose. C'est plutôt joli.»

S'il n'est d'aucune utilité pour les avions dans le ciel ou les bateaux dans le port, alors à quoi sert-il? En réalité, sa fonction n'est que décorative. Une fantaisie de la Banque Royale du Canada, soucieuse dans les années 1957 de souligner la présence de son siège social, alors situé au 360 rue Saint-Jacques.

«À l'époque, les quatre lumières étaient installées au quatre coins du toit de l'édifice de la BRC. La force des ampoules dépassait alors 28 fois en intensité celle du plus puissant phare aéroportuaire du Canada.»

En 1962, lorsque la Banque Royale déménage ses pénates à la place Ville-Marie, pas question d'abandonner son vieux phare. On s'attache à ses choses. Il ne sert peut-être pas à diriger les avions du haut du ciel, mais il fait partie intégrante du paysage urbain montréalais. N'est-il pas, avec la croix du Mont-Royal et le Q d'Hydro Québec, l'un des emblèmes de la ville? D'ailleurs, le Jour de la Terre, ces icones s'éteignent en même temps en signe de solidarité à la planète. Sinon, le gyrophare roule beau temps, mauvais temps, tous les jours de l'année.

La BRC n'a jamais cessé de bichonner son phare. Et continue de le faire. En 1971, les quatre ampoules de 2500 watts sont regroupées sur une plate-forme rotative d'environ trois mètres de diamètre et dotées de quatre miroirs d'une ampleur d'un mètre chacun. «Si le gyrophare ne requiert pas la présence d'un gardien au quotidien, on vérifie à l'occasion la propreté de la structure, puis on change les ampoules en moyenne une fois aux dix-huit mois et le moteur aux cinq ans. L'automatisation se charge du reste.» D'origine allemande, l'ampoule coûte 1500 $ et garantit 1000 heures de lumière. Le changement se fait manuellement. Quant au girophare, il coûte à la BRC de 5000 à 8000 $ par année en frais d'entretien.

Ne monte pas au sommet de la place Ville-Marie qui veut! «Avant, les visiteurs pouvaient accéder au toit, mais on a dû cesser la pratique pour cause d'accidents.» Impossible de voir de près le gyrophare à moins d'en faire la demande spéciale. Mais, pour une vue spectaculaire sur Montréal, Altitude 737 est une belle solution de rechange.

Longue vie au phare, ne serait-ce que pour mettre en pratique le cours 101 de photographie de nuit. Apparemment, c'est du côté de la Montérégie qu'il faut installer son trépied.

Publié dans le Devoir du 21 juillet 2009




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