Durant la première moitié du XXe siècle, aux États-Unis, des locomotives puissantes tiraient de luxueux wagons de passagers entre mer et montagnes, amenant les citadins bien nantis vers de grands et somptueux hôtels. L'État du New Hampshire comptait alors une trentaine de ces tout-compris aux airs de palais. On y a signé des traités, les contrebandiers y ont fait les 400 coups, des célébrités y ont séjourné. Puis, l'arrivée de l'automobile et le rêve de posséder une résidence secondaire ont eu raison des «Grand Old Lady». En 1980, ne survivaient que le Balsams, à Dixville, et le Mount Washington Resort, à Bretton Woods. Mais les habitants du New Hampshire aiment les demeures coloniales. Leur désir de la tradition entraîne la réouverture prochaine du Wentworth-by-the-Sea et du Mountain View Grand Resort. Bienvenu dans le «Most Livable State», un petit État, une grande histoire.
Le New Hampshire n'a pas d'âge et quatre saisons. Au printemps et en été, l'endroit est idyllique pour les amateurs de canoë-kayak et de randonnée pédestre. En automne, ce bout de Nouvelle-Angleterre couvert à 80 % de forêts et dominé par le mont Washington, le plus haut sommet du nord-est des États-Unis à 1917 mètres, attire les épris de feuillage aux tons de rouge, de jaune et d'orange. L'hiver, on accueille la neige avec plaisir pour le ski, la raquette, la luge...
Premier État américain à proclamer son indépendance par rapport à la couronne britannique en 1774, le New Hampshire est seul au monde à reconnaître le droit du peuple à la révolution. On dit que c'est charmant d'y habiter. Non seulement y vit-on librement, mais cette petite contrée de 305 km de long et 110 km de large, bordée à l'ouest par le Vermont, au nord par le Québec, à l'est par le Maine et l'océan Atlantique et au sud par le Massachussetts, a remporté pour la troisième année consécutive la palme de «l'État de l'Union où il est le plus agréable de vivre».
«Le "Most Livable State Award" est un concours basé sur 44 critères de sélection reliés à l'économie, l'éducation, la santé, la sécurité et l'environnement, explique Victoria Cimono, responsable des communications, division du tourisme du N.H. Il certifie encore cette année que le New Hampshire détient le plus bas taux de criminalité, de pauvreté et de chômage et le plus haut taux de personnes éduquées et engagées dans la communauté.»
Concord en est la capitale, Manchester la plus grande ville. C'est l'économiste et architecte Samuel Blodget qui, au début du XIXe siècle, envisage la possibilité de faire de cette ville, connue sous le nom de Derryfield, une grande ville industrielle à l'instar de Manchester en Angleterre. Blodget structure alors un canal et un système d'écluses autour des chutes Amoskeag. «Ces deux ajouts ont permis l'inauguration de l'Amoskeag Manufacturing Company en 1838, la plus grande usine de filature de coton au monde, explique Victoria Cimono. Soixante-quatre moulins bordaient alors la rivière Merrimack. Les Canadiens français y sont venus nombreux pour y travailler. D'ailleurs, la communauté franco-canadienne est toujours présente à Manchester.» Quant aux bâtiments des manufactures que l'on aperçoit le long de la Merrimack en route pour Boston, ils ont été convertis en commerces, restaurants, musées, compagnies d'assurance... L'un d'entre eux héberge l'Université du New Hampshire à Manchester.
Côté montagne
Sur la route I-93 dans les Franconia Notch, à proximité de Flume Gorge, on aperçoit sur les flancs du mont Cannon la gigantesque tête en granit naturel de 16 m de hauteur de l'«Old Man of the Mountains». Découverte en 1805, cette sculpture naturelle façonnée dans le roc s'effondra le 3 mai 2003. Son souvenir continue d'attirer l'attention d'innombrables touristes de passage.
Étape à Bretton Woods, au Mount Washington Hotel and Resort, un château de montagne imposant à l'architecture de style Renaissance espagnole, qui fait partie de la prestigieuse chaîne Natural Trust Historic Hotels of America. En juillet 1944, les délégués de 44 États s'y réunissaient dans le cadre de la Conférence monétaire et financière des Nations unies pour discuter de la reconstruction de l'Europe d'après-guerre et de l'instabilité des taux de change.
Conçu à l'origine par le riche industriel Joseph Stickney, il a fallu le travail de 250 ouvriers et maîtres artisans italiens durant deux ans avant que cette remarquable demeure au toit rouge flamboyant ouvre ses portes en 1902. L'hôtel de 300 chambres, doté d'une énorme cuisine et de six pièces de réfrigération, d'une salle à dîner avec vue sur la montagne, d'un colossal lobby et de grandes salles de bal, offrait aussi bains turcs, salle de billard, allées de quilles, terrain de squash, piscines intérieure et extérieure alimentées par l'eau de la rivière Ammonoosuc...
«Ce n'était pas tout d'être grand pour être un Grand Hotel, explique Martha Wilson, directrice des relations publiques du Mount Washington Resort. Éloignés des grands centres et devant combler les demandes des clients en vacances ici pour au moins un mois, ces "resorts" devaient s'autosuffire, à l'image d'une petite ville. Ils possédaient donc leurs jardins, leurs animaux d'élevage, leur boulangerie. Tous les produits étaient fabriqués sur place. On y trouvait aussi compagnie de téléphone, poste, terrains de golf, professeurs de danse, orchestres complets. Les musiciens venaient du New York Philharmonic ou du Boston Pop Orchestra.»
Le Mount Washington Resort continue d'impressionner. On y vient maintenant à l'année et on choisit son type d'hébergement: la vie de château à l'hôtel ou l'époque victorienne au Bretton Arms Country Inn, la vie de famille au Townhomes ou l'aventure au Lodge à Bretton House. On continue d'y jouer au golf et au tennis, d'y faire de l'équitation, d'y danser, de se prélasser dans les piscines et les jacuzzis. Et ce n'est pas la palette de randonnées qui manque!
Côté forêt
Changement d'atmosphère, plus au nord, à Dixville Notch, au Balsams Grand Resort Hotel. Ici, on dit qu'il y a des fantômes. «Vingt-neuf bons et deux méchants, confirme John Kennedy, le directeur des activités de l'établissement. Et je ne suis pas celui du président Kennedy.» Cet ancien professeur connaît l'histoire du Balsams comme le fond de sa poche. Le 4 juillet 1875, le Dix House célèbre son ouverture officielle. En cinq ans, l'hôtel grandit et peut loger une centaine d'invités. Il en coûte alors entre 10 et 14 $ par semaine. En 1895, changement d'usufruitier, l'hôtel substitue son nom pour The Balsams. Depuis, la propriété n'a cessé de prendre de l'expansion: 15 000 acres de terrain paradisiaque sur les flancs boisés des montagnes Blanches; une gastronomie primée; un terrain de golf magnifique de 27 trous et des terrains de tennis. Une piscine, un lac privé pour le pédalo et la pêche. Et en hiver, un site de ski privé offrant 14 pistes de ski de descente, 95 km de sentiers de ski de randonnée et de raquettes, et la possibilité de patiner sur les lacs gelés. Dieu que le chocolat doit avoir bon goût!
Petites particularités à l'hôtel: une mini-bibliothèque dans la chambre plutôt qu'une télévision, 16 chambres réservées aux visiteurs qui voyagent avec leur chien. Il en coûte 25 $ par bête et la possibilité de faire appel à un «baby-sitter» pour les promenades de Fido. Et la rencontre possible avec le fantôme d'Al Capone qui y aurait séjourné durant le temps de la prohibition.
«Les Historic Hotels of America — il en existe 200 aux États-Unis — ont tous la caractéristique de plonger les voyageurs dans le passé, précise John Kennedy. Ils sont reconnus pour leur architecture recherchée et leur ambiance unique. L'hôtel doit être âgé d'au moins 50 ans et posséder une valeur historique. D'ailleurs, c'est ici dans cet hôtel qu'en 1952, les résidants de Dixville votaient pour la première fois à une présidentielle, ajoute fièrement M. Kennedy.
Côté mer
Après trois heures et demie de route à partir de Montréal, une brève halte à North Conway n'est pas à dédaigner. Le petit village de montagne qui a conservé son charme rétro est tout indiqué pour se délier les jambes en route vers la côte Atlantique. Les amateurs de magasinage aiment flâner dans les «outlets». Le New Hampshire n'applique ni taxe sur les ventes, ni impôt sur le revenu. Live free or die! Antiquaires, librairies, boulangeries, cafés bordent la rue principale.
Bien que l'on surnomme le New Hampshire le Granite State, le petit État vert n'est pas fait que de montagnes et de forêts. On y recense 1200 lacs, 2400 kilomètres de ruisseaux et de rivières, 50 ponts recouverts et 30 kilomètres de côte. La plage la plus populaire? Hampton Beach. Les Québécois l'ont désertée ces dernières années, mais ils y reviennent pour son petit côté sauvage. De longues plages de sable fin laissent la place à une côte découpée. Plus au nord, à New Castle, à environ cinq minutes de Portsmouth, célèbre pour son architecture victorienne, nous découvrons le Wentworth-by-the-Sea (1874), l'un des grands miraculés du New Hampshire.
Sous l'égide du président Théodore Roosevelt, Russes et Japonais y signent le 5 septembre 1905 le traité russo-japonais de Portsmouth, un traité qui consacre la défaite de l'empire tsariste. Le président Roosevelt intervient pour limiter les prétentions japonaises, ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix en 1906. Les Japonais adorent prendre l'hôtel en photo!
Le voyage ne serait pas complet sans la visite de Portsmouth, l'ancienne capitale du New Hampshire, de 1679 jusqu'au milieu de la Révolution américaine. Le village historique de Strawberry Banke (Portsmouth avant 1653) est né de la volonté de citoyens opposés à la démolition de ses vieilles demeures victoriennes. Le village regroupe une quarantaine de maisons qui reconstituent 400 ans d'histoire. Ne s'appelle pas le Granite State pour rien, le New Hampshire!
En vrac
- Site Web du New Hampshire: www.visitnh.gov
- Site Web du Mont Washington: www.mountwashington.net
- Lecture pour se mettre dans l'ambiance: Hotel New Hampshire de John Irving
- Pour se rendre dans les Franconia Notch, on emprunte l'autoroute 10 au Québec, puis l'autoroute 91 jusqu'à Saint-Johnsbury et enfin l'autoroute 93. Cette région compte de très beaux sites pour des randonnées pédestres de quelques heures à une journée.
- Le restaurant Red Arrow à Manchester, ouvert 24h sur 24, il ne ferme que quelques heures l'après-midi de Noël; parfait pour les vacanciers nocturnes en route vers Boston ou Cape Cod et qui sont pris d'une petite fringale à deux heures du matin, www.redarrowdiner.com
- Wentworth-by-the-Sea Hotel & Spa. Tél. 860 240-6313 ou 603 422-7322, www.wentworth.com
- The Balsams Grand Resort Hotel. Tél. 866 780-5954, www.thebalsams.com
- The Mount Washington Resort at Bretton Woods. Tél. 877 873-0626, www.mtwashington.com
- Centre des visiteurs de la gorge de Flume. Tél. 603 745-8391, www.flumegorge.com
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